Soirée enivrante

Il n’était pas encore très tard, et le soleil commençait à peine à décliner. Sydonie le regardait pensivement, assise sur un bout de rocher, son luth couché sur ses jambes, qu’elle effleurait comme un fidèle ami. Au coin du feu de joie qui illuminait la clairière, elle se rassasiait de la présence des personnes qui discutaient autour d’elle. Finalement, cet endroit était plus peuplé qu’elle ne l’avait cru. De petits êtres doués de paroles gambadaient alentour, des hommes et parfois des femmes, qui passaient par là, où étaient liés à cet endroit, conversaient ensemble.

Elle avait appris l’histoire d’un vieil homme, un vagabon décharné, qui lui avait conté des jours meilleurs, un abri sur le flan d’une colline, une femme aimée, un fils fugitif.
Une autre femme, qui avait été scribe, avait trouvé le bonheur un jour qu’elle apprenait l’art de l’écriture au fils de son seigneur. Puis elle l’avait perdu au cours des lunes qui avaient suivies.
Un marchand s’était arrêté dans la clairière, puis avait finalement décidé de rester, et offrait à boire à qui en voulait. C’était un étrange campement improvisé qui s’était installé au fur et à mesure dans la chaleur nocturne de la clairière.

Sydonie faisait une pose après avoir chanté quelques épopées de son pays, et laissait la chaleur du feu la caresser doucement, tandis qu’elle observait le soleil plonger toujours plus profondément derrière les branchages.

Sous sa forme humain, likan approcha lentement, et avec une discrétion non voulue, il s'assit à coté de la jeune et belle femme.
Il ne dit pas mot, comme d'habitude, lorsqu'il était sous sa forme humain, il n'était vêtut que d'un simple pagne qui lui arrivait tout juste au genoux, cela lui éviter de déchirer ses vêtements lors de ses transformations. Et bien sur de son immense et très lourde épée accrochait dans son dos, mais qu'il venait de détacher et posée a sa gauche.
Le soleil se couchait, comme avalé par les sapins et les chênes.

"Je vous ai entendue chantée mademoiselle, vous avez une très belle voie..."

Likan savait à présent parfaitement se que dirait Tenaka s'il le voyait la...

La femme tourna la tête vers l’étranger assis près d’elle, puis hocha lentement la tête en remerciement. Puis son regard fixa son pagne un instant. Finalement, elle se fendit en un large sourire :
_C’est amusant. On trouve toujours plus nécessiteux que soi.

Son étrange accent rythmait ses phrases courtes et saccadées, pendant qu’elle cherchait ses mots, dans la langue locale.
_Un tissu ne suffit pas à protéger contre le froid. Une épée vous protège contre le danger ; mais elle ne nourrit pas. Sauf si vous êtes un brigand. Vous allez attraper le mal, vêtu ainsi. Mais je peux vous trouver de quoi vous couvrir, si vous voulez.

Likan sourit et se massa la nuque comme à chaque fois lorsqu'il était géné. Son travail de tueur à gage lui rapporter largement de quoi se payer des vêtements, mais il ne s'en servait que pour boire et entretenir ses quelques hommes. Et il savait que si il en venait à faire trop foid, il pouvait se transformer et sa fourrure le protegerais.
"Je ne suis pas un voleur ma dame, juste un homme simple qui ne se perd pas dans le superficiel, votre proposition me fait très plaisir, mais la temparature est supportable et je ne voudrais pas abuser de votre générositée. "
Il se mit sur les coude en arrière et la regarda, ou plutot il la contemplée.
"D'ou vous viens cet accent ?"

La femme ne comprenait pas tous les mots que prononçait l'inconnu, il lui fallait encore un peu de temps pour assimiler cette langue, même si elle la parlait déjà couremment. Malgré tout, elle comprit rapidement, à l'expression du visage de l'homme, et son regard sympathique.

_Superficiel, répéta-t-elle avec un sourire, pour elle même. Je crois que vous ne friserez pas le superficiel avec un ou deux vêtements de plus ...

Puis elle inclina poliment la tête.
_Excusez ma façon de parler, inconnu, j'essaye de l'améliorer chaque jour qui passe. Je viens du désert, loin à l'Est de Daifen. Mon nom est Sydonie, la collectionneuse d'histoires. Ou 'barde', comme on me nomme ici.

Likan avait bien sur repérer l'oiseaux mais le sentant s'endormir il n'y prêta pas attention.
"Je vous appelerée pas votre prénom si sa vous dérange pas. Et le fait que je porte peu de vêtement à plus un aspect pratique qu'esthétique."

Il regarda vers les arbres devant lui et lanca une pierre en ricochet sur l'eau.
"Surtout ne changez pas votre accent, il vous vas très bien . Mais qu'est ce qui vous amène si loin de chez vous ?"

La femme eut un sourire farouche, en entendant l'homme dire ces mots.
_On ne m'a pas dit ça... Alors comment dois-je faire, moi qui me force de parler l'aussi bien possible.

Puis elle se leva et lui fit signe d'attendre quelques instants, pendant qu'elle s'éloignait. La nuit commençait à poindre de plus en plus et des lenternes, perchées sur des piquets, avaient été installées autour de la clairière. La femme aux cheveux de feu reparut quelques minutes plus tard, en enjambant le corps d'un vieil homme ivre mort, au sommeil imperturbable. Elle rapportait un panier empli de fruits qu'elle posa au pied de la roche, où elle s'assit avant de reposer son instrument sur sa robe usée. Elle empoigna une pomme en intimant à son interlocuteur d'en faire autant.

_C'est la guerre qui m'a fait fuir ici. Mais, dit-elle en croquant un morceau de pomme, si vous voulez je vous raconte toute l'histoire, il me faudra du temps. Je ne fais pas ça à moitié. Mais je serai honorée de connaître votre histoire à vous, inconnu.

Likan avait pris une pomme verte dans sa bouche, mais en entendant les paroles de la belle Sydonie, il mis ses deux mains derrière sa propre nuque qu'il massat comme à chaque fois qu'il était géner.
"Mon histoire ... Je suis pas sur que vous aimeriez l'entendre douce demoiselle... Mais je vous en prie, commencez la votre. ."

Likan s'installa confortablement dans l'herbe, contemplant le regard, dans lequel il plongeait, celui de Sydonie.
Il réfléchissait en même temps comment lui même lorsque se sera son tour, pourrais écourter les scenes dramatiques de combat sanglant et autre scene atroce de son histoire tourmentée.

"Je suis tout à vous ."

La femme opina du chef :
_Comme vous voudrez, étranger.

Elle avait attendu la venue du maître des lieux, qui lui avait promis de venir écouter son histoire. Enfin ce n’était pas vraiment une promesse. L’important était que l’étranger était prêt à l’écouter jusqu’au bout. Cette simple attention était l’opium de la jeune femme ; à la tombée de la nuit, près d’un auditoire enivré, ses histoires et sa voix s’éveillaient de plus belle pour accompagner le glissement des étoiles. Ses doigts, fins et frêles, glissèrent sur la corde sensible de son instrument tendit que son regard se perdait au loin.

_Très bien. Chassons la froideur de la nuit et du silence ensemble, si tel est votre souhait.
Cette phrase, chargée de sens cachés, n’était qu’une traduction littérale des mots de son propre langage. En daifennien, cette formule était inexacte et insensée, mais cela lui permettait de puiser son énergie, au plus profond de sa chair.

Les faibles notes qui émanaient de son luth voltigeaient, apaisaient. Ce n’était pas une musique à proprement dit, mais elle accompagnait les mots et les sensations. Lorsque Sydonie pencha légèrement la tête, une boule de verre pendit de ses cheveux, attachée à son oreille. Ce petit globe contenait du sable.

_Je viens d’un grand désert, à l’Est. Le jour, il y fait si chaud que les travailleurs sont relayés chaque heure. La nuit, nous luttons contre le froid, de la même manière que nous le faisons en ce moment même. Nous nous entassons tous, protégés par la chaleur de notre souffle et de nos corps.
Je suis née d’un croisement de deux races. Mon honorable mère était humaine, et j’ai la chance d’avoir davantage de son sang que de celui de mon père. Elle était bohémienne et parcourait le désert avec les siens. Elle gagnait son pain en dansant et, comme je le fais, en collectionnant le passé des gens. Jamais le pêché n’est venu la corrompre.
Un jour malheureux, elle est tombée en amour de mon père ; un elfe gris, hautain et plein de haine à l’égare des sous races qu’il s’évertuait à rabaisser. Et même à tuer, parfois. Ma mère l’a suivi durant plusieurs années, donnant naissance à deux filles, dont moi et mon aînée Sanagwidia. Mais il finit par nous abandonner, et partit en guerre avec les siens. Je ne sais s’il est toujours en vie, mais sa destinée ne m’intéresse pas.
Nous étions seules, toutes les trois, et ma mère attendait une troisième fille. Pour nous épargner sa misère, elle nous confia à une troupe de bohémiens. Puis elle partit mourir en accouchant d’une troisième fille. Ma sœur et moi ne les avons jamais revues, ni elle, ni son enfant.
Par la suite, j’appris l’art du chant, de la danse, de l’histoire. J’appris même l’écriture. Je suivis donc le même chemin que ma mère. Sur mon parcours j’eus quatre enfants. Chez moi, les êtres ne s’attachent pas, ils ne font pas de sacrement, comme ici. Nous sommes libres, même si parfois la jalousie fait naître la graine du crime. Mais cela reste rare et n’arrange rien.

Sydonie releva la tête et un sourire éclaira son visage. « N’hésitez pas à m’arrêter, si vous ne comprenez pas quelque chose. » Elle se tenait prête à continuer, avant de savoir si tout allait bien.

Likan sourit.
"Non, vraiment je vous en prie, continuez c'est très interressant. D'ailleurs si vous êtes venue ici renouvelée votre stock d'histoire vous allez être servie. Chaque habitant de cette forêt à une histoire très particulière."
Moi le premier pensa-t'il
"Vous ne revoyée jamais vos enfants ou votre soeur ?"