jour de chance

Le brigand serra un peu plus sa prise, portant la main à son escarcelle. Mais elle l’en empêcha, se glissant hors de sa portée.

L’attaque avait été si subite que la demi elfe n’avait pu réagir à tant. Elle avait reçu une missive la sommant de se rendre à Elvandris, sans plus d’explication. Elle était restée septique, mais était venue tout de même, pensant qu’elle n’avait pas grand-chose à perdre. Elle ne connaissait pas l’endroit et s’était perdue depuis longtemps. Et la pénombre était tombée en fin de journée. Epuisée par son voyage et profondément énervée de ne pas savoir se retrouver, elle avait hésité à rebrousser chemin. Mais l’attaque du brigand avait réglé son problème. La fatigue, la surprise et la violence du grand homme l’avaient empêchée de réagir quand il bondit sur elle et l’écrasa contre un arbre.

L’humain, grand et massif, ressemblait à une montagne. Avec son crâne chauve, ses petits yeux noirs et son nez écrasé, il avait l’air d’un homme au quotient intellectuel limité, mais dangereusement fonce dedans.

Après avoir réussi à sauver son escarcelle de l’emprise du brigand et s’être glissée derrière lui, elle bondit sur son dos malgré son étourdissement. Les coups qu’elle lui porta à la tête lui firent aussi peu d’effet qu’un caillou jeté sur un gros rocher. Il gesticula pour la faire tomber. Mais elle tint bon et lui mordit l’oreille si fort qu’elle lui arracha le lobe. L’humain se mit à rugir et l’attrapa. Dans le mouvement qu’il fit pour la jeter violemment à terre, il lui démit le bras. La demi elfe tomba au sol en laissant échapper un gémissement de douleur. Sans lui laisser de répit, l’homme-montagne lui envoya deux ou trois coups de pieds au ventre, le temps de sortir une épée à deux mains, qu’il tenait d’une main avec grande facilité.
Il allait l’abattre sur sa proie lorsque celle-ci se releva à temps et attrapa l’épée par la lame, repoussant de toutes ses forces l’épée loin d’elle. Mais c’était dérisoire de penser que sa force pourrait jamais rivaliser avec celle de son agresseur, qui, visiblement, prenait grand plaisir à la voire ainsi peiner pour sauver sa vie.
Mais le coup qu’il reçut en dessous du ventre brisa cet instant de bonheur. Il desserra l’étreinte de la garde de son arme et se courba légèrement sur le coup. Malgré sa main entaillée et saignant abondamment, la demi elfe ne lâcha pas la lame et vint l’enfoncer dans le pied du brigand, jusqu’à l’enfoncer dans le sol. Puis à l’aide de son bras valide, elle lui porta trois coups consécutifs à la poitrine avant de reculer.
Fou de rage, l’humain retira l’épée de son pied et se redressa de toute sa carrure massive, grognant un langage incompréhensible. Il fit deux pas vers son adversaire et tomba à terre, mort avant d’avoir touché le sol.

Essoufflée, la demi elfe regardait la dépouille du grand homme d’un regard stoïque, retenant son bras démis. Elle pensa que c’était dommage de perdre la vie pour avoir tenté de voler un sac qui ne contenait rien de précieux. Elle pensa surtout que parmi ces derniers jours, celui-là avait été le plus mauvais de tous. Et pourtant, ceux d’avant n’avaient pas été bons non plus. Elle continua son chemin après avoir dépouillé l’humain de ses biens.

La pénombre obscurcissait de plus en plus la forêt, et Sanaga décida qu’il était temps de faire une pause. Elle s’assit au sol en se laissant glisser le long de la cime d’un chêne. Elle regarda la nuit tomber sans avoir le courage de se relever. Enfin la souffrance de son bras démis et l’épuisement eurent raison de sa volonté, et le sommeil l’emporta.

Tenaka arriva tôt le matin sur les lieux, l'aubre pointait le bout de son nez, illuminant doucement la forêt de ses rayons lumineux, se réflétant dans les gouttes de rosée. On aurait pu se croire dans un océan de gouttes lumineuses, mais c'était simplement les gouttes d'eau qui refletaient la lumière du soleil.

Une femme était allongée par terre, en la voyant le Khan se dit qu'elle lui faisait penser à quelqu'un, mais elle était bien mal en point et il était difficile pour lui de la reconnaître. Quoiqu'il en soît, il sentait que les intentions de la jeune demoiselle n'était pas mauvaise et il s'en approcha, s'agenouilla à côté de Sanaga. Il toucha le front, et finit par sortir une gourde d'eau de son sac. Il mouilla un bout de tissu et l'appliqua sur le front, brûlant. Il remarqua alors le bras qui était distordu. Le Khan n'était pas mâitre dans l'art de soigner et il allait devoir ramener la demi-elfe au château pour qu'elle soit soignée... Pour l'instant il attendait qu'elle se reveille...

La brume du matin, épaisse et fantomatique, donnait un apsect dangereusement effrayant à cette partie de la forêt.
La demi elfe finit par ouvrir légèrement les yeux. Son regard resta figé dans celui du khan tandis qu'elle semblait réfléchir. Elle avait déjà rencontré cette personne, elle en était certaine. Seulement, son nom lui échappait encore pour l'instant. Toujours allongée, des goutes de rosée brillaient faiblement sur ses cheveux de feu. Soudain, après avoir scrupuleusement détaillé l'homme, elle se souvint de lui.
_Tenaka...dit-elle d'une voix affailie. Tenaka...
Elle tendait des mains tremblantes vers lui, l'air innocent, comme pour chercher un appui pour se redresser.
_Tenaka...répéta-t-elle au bout de quelques secondes. Votre bourse est plus légère qu'elle ne devrait l'être. Z'êtes allé aux putes hier ou quoi?

D'un geste désinvolte et désintéressé, elle lui rebalanca sa bourse avant de se remettre sur pied.
_Alors, c'est ça votre forêt? demanda-t-elle en s'époussetant de sa main valide.Vous avez un curieux sens de la propriété, vous savez. Il y a pas mal de malade mentaux et de voleurs dans cette forêt. J'ai bien faillit me faire écharper par un fou furieux...

Elle s'interrompit. La douleur de son bras démis lui rappela son état précaire. Dans sa main droite, l'entaille avait cessé de saignr, laissant une grande ligne de sang séché.
_Est-ce que... vous pouvez m'aider?lui demanda-t-elle en tendant son bras démis.

Tenaka sourit en voyant Sanaga fidèle à elle-même et il reprit sa bourse. Il la prit par les épaules et la souleva pour la mettre sur pied.

- Mais oui je vais t'aider, et arrête de me vouvoyer... J'ai horreur de ça. Je sais que ma forêt est pleine de brigands et autres, mais t'as un don pour te perdre formidable... Parce que personne ne passe par ici d'habitude, enfin bref !

Tenaka soupesa sa bourse et se dit qu'elle était plus lourde avant tout de même...

- Je sais pas si tu te considères comme un pute pour dire que je suis allé chez toi et que tu m'as deboursé....

Sanaga regarda avec considération le demi elfe pendant un moment.
_Maître Khan,répondit-elle au bout d’un moment.Même si une demi douzaine d’arbalétriers pointaient leurs carreaux en se trémoussant dans des pourpoints roses à poids bleus, ou que ceci pouvait me sauver d’une quelconque mort certaine, je ne ferai même pas crisser le moindre baiser sur la joue de mon débiteur ; même si cela devait alléger ma culpabilité. J’ai mes propres méthodes, et je les assume.
Elle pointa du doigt la bourse du Khan.
_Et je peux t’assurer, mon ami, qu’aucun objet de nature clinquante n’a quitté ta bourse pour venir me remplir les poches. Voyons, Tenaka. Je ne suis pas du genre à voler mes propres amis.
Elle lui sourit. Parmi les deux dernières phrases qu’elle venait de prononcer, l’un était vraie quand l’autre criait au mensonge.
_Mais puisque tu es disposé à aider ta jeune amie, dit-elle en posant son bras ballant sur l’épaule du demi elfe, aide moi à remettre ça en place. Je suis pressée, j’ai d’autres choses à foutre et on m’attend. Alors, avec ton aide et si les Dieux veulent bien m’accorder un moment de répit dans mon foutu parcours, je vais retrouver mon chemin fissa et régler tout ça.
Sur ce, elle mima un geste et une expression douloureuse.
_Tire un coup sec sur ce bras, Tenak… Tu peux pas savoir à quel point ça me ferait plaisir…

Tenaka sourit doucement aux premières paroles de Sanaga.

- Ne t'inquiètes pas, je te connais assez je crois pour savoir que tu ne ferais jamais ce genre chose... Mais tu devrais savoir que je suis tout entier dévoué à ma belle et que jamais l'idée me viendrait de dépenser mes espèces sonnantes et trébuchantes pour cela....

Le Khan prit le bras de Sanaga, de manière à lui faire le moins mal possible... Puis sans prévenir il tira d'un coup sec, remettant à peu près les os en place....

- Excuse-moi si je t'ai fait trop mal.... Enfin j'espère que ca ira mieux après ça au moins !